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SIMA/SIA A la recherche de jeunes motivés

Face à une pénurie alarmante d'employés qualifiés, du CAP à l'ingénieur, les professionnels du machinisme lancent une opération de séduction de grande ampleur sur le Sia, relayée au Sima.

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Vocation. Le goût du machinisme agricole s'acquiert très jeune, autour des matériels.

© S. Leitenberger

 

 

Aux grands maux, les grands remèdes. L'Association professionnelle de développement de l'enseignement du machinisme agricole et des agroéquipements (Aprodema) va mener au Sia et au Sima une opération de grande envergure pour tenter d'attirer des jeunes issus de tous les milieux vers les métiers du machinisme agricole.

Il faut dire qu'il y a urgence: à l'heure actuelle, quelque cinq mille postes sont vacants, soit près de 10% du nombre total d'emplois de la filière. Les constructeurs, concessionnaires et organisations professionnelles sont tous touchés par ce phénomène de désaffection. La situation ne se retournera pas à court terme, puisque les classes d'enseignement en machinisme peinent à faire le plein. Des formations qualifiantes sont ainsi annulées chaque année, faute de moyens. La perspective de départs à la retraite massifs dans les trois prochaines années donne des cauchemars à plus d'un concessionnaire. Pour l'Aprodema, qui trouve la situation alarmante, il est temps de revoir la stratégie de recrutement. A commencer par la cible visée lors des actions de promotion. «Il faut aller chercher des élèves plus jeunes, avant les premières orientations et, surtout, hors de notre vivier traditionnel, c'est-à-dire les fils d'agriculteurs», insiste fortement Joël Carmona, le président de l'Aprodema. D'où l'idée d'aller s'exposer pour la première fois au Sia et d'en faire une priorité par rapport au Sima.

Interpeller les pouvoirs publics

«Les jeunes visiteurs présents sur le Sima connaissent déjà le machinisme agricole, constate Philippe Lagache, l'ancien président de l'Aprodema. Il est important d'être présent pour les renseigner sur les possibilités que nous offrons mais le réservoir de main-d'oeuvre est ailleurs, chez ceux qui ne nous connaissent pas encore.» Pour séduire les jeunes citadins, l'Aprodema a investi dans un stand de 300 m2 au Sia, où seront installés trois ou quatre engins sur lesquels interviendront des élèves de lycées professionnels. Les opérations seront filmées et projetées sur un grand écran au Sia et en direct au Sima. L'objectif est de montrer aux jeunes le visage moderne du machinisme agricole, loin de l'image d'Epinal du ferrailleur. Mais les bénévoles de l'Aprodema avouent voir plus loin et souhaitent profiter des cohortes de journalistes qui encadrent les politiques pour obtenir un relais dans la presse à destination du grand public. «En période de crise, une filière qui propose 5.000 postes dans toute la France, ça doit forcément interpeller», espère Philippe Lagache.

 

Les entrepreneurs touchés par la pénurie de main-d'oeuvre

La présence de plus de 120 personnes, traditionnellement peu attirées par les réunions parisiennes, au dernier colloque sur l'emploi d'Entrepreneurs des territoires (EDT) témoigne du problème de recrutement rencontré par les entrepreneurs de travaux agricoles (ETA). Pour Jean-Paul Dumont, vice-président délégué d'EDT, les indicateurs sont déjà à l'orange, voire au rouge dans certains secteurs, comme le forestier. Et d'indiquer les grands chantiers dans lesquels les entrepreneurs se sont lancés:

- travailler à l'accueil des salariés,

- accompagner la deuxième partie de carrière pour les quadragénaires,

- et, surtout, séduire des jeunes qui ne connaissent pas ces métiers de prestation de service.

Si les entrepreneurs accueillent favorablement la possibilité qui leur est offerte d'embaucher des salariés issus de tous les pays membres de l'Union européenne, Jean-Paul Dumont modère l'enthousiasme en rappelant que l'effet inverse peut se produire et que les jeunes Français peuvent être tentés par une aventure à l'étranger.

«Il faut faire en sorte que nos métiers deviennent attractifs pour les jeunes des banlieues et les Européens, deux réservoirs de main-d'oeuvre qui ne nous connaissent pas», résume-t-il.

Le nombre de postes vacants de conducteurs de matériel a augmenté de 20% en deux ans, avec plus de 10.000 annonces, tandis que le nombre de demandeurs d'emploi diminuait de 6%, passant de 6.000 à 5.650 personnes. La tension est encore plus forte pour les emplois de mécaniciens, avec plus de 6.600 offres pour 2.800 demandeurs d'emploi.

 

 

Témoignage: JOËL CARMONA, président de l'Aprodema

«Le grand public ne nous connaît pas»

Quand est apparu ce phénomène de manque de bras dans la machine agricole?

Il s'amplifie depuis trois, quatre ans en raison du «papy-boom». Plus de 25% des postes d'encadrement en atelier et en magasin sont occupés par des personnes de plus de cinquante ans. Ces gens ont commencé à travailler jeunes. Ils partent donc à la retraite vers cinquante-huit, cinquante-neuf ans. Dans le même temps, nous assistons à une incroyable évolution technologique des matériels, face à laquelle les concessionnaires ont besoin de mécaniciens de mieux en mieux formés.

Quelles sont les causes de ce phénomène?

La première, c'est que nos métiers sont totalement méconnus en dehors du monde agricole. Le grand public ne nous connaît pas et, quand il se penche sur nos activités, il fait tout de suite l'amalgame avec le métier d'agriculteur.

La deuxième, c'est que les jeunes ne sont plus intéressés par les métiers techniques. La troisième, c'est que l'agriculture a longtemps constitué une source de recrutement. Or, il y a de moins en moins d'agriculteurs et leurs enfants suivent d'autres voies professionnelles.

Enfin, nous sommes complètement ignorés des grands médias.

Quels métiers pâtissent le plus de ce manque de main-d'oeuvre?

Sur les postes à pourvoir immédiatement, 58% concernent des techniciens de maintenance, 21% des commerciaux et 12% des magasiniers. Dans les six à huit ans qui viennent, les 2.700 à 2.900 postes supplémentaires seront à 41% dans le service après-vente, 24% en commercial et 21% aux pièces détachées. Le magasin est aujourd'hui un poste stratégique dans une concession. Et pourtant, pas une seule école ne forme au métier de magasinier.

Depuis quand l'Aprodema s'est-elle attaquée à ce problème et quelles démarches a-t-elle entreprises à ce jour?

L'Aprodema intervient depuis près de quatre ans dans les établissements scolaires pour y rencontrer des élèves et leurs parents. Elle participe régulièrement à différents forums et autres salons de l'emploi. Elle a édité des fiches et a aussi réalisé des films pour promouvoir les métiers de la machine agricole.

Quel bilan dressez-vous de ces actions?

Il s'agit d'un travail de longue haleine, dont les résultats ne se mesurent pas du jour au lendemain. Nous sommes dans un gouffre et avons décidé de changer de braquet. Si l'opération que nous allons mener au Sia et au Sima n'aboutit pas, je ne sais pas ce qu'il faudra imaginer d'autre.

Au-delà de la perception négative des métiers de l'agroéquipement par le grand public, n'y a-t-il pas un problème d'attractivité, lié aux faibles salaires ou au manque de perspectives d'évolution professionnelle?

Ça a été vrai. Le métier a longtemps mal payé, mais le rapport offre/demande joue aujourd'hui en faveur des salariés. Les choses s'améliorent très vite. A ce propos, il faut que les agriculteurs comprennent que, s'ils veulent quelqu'un de compétent pour réparer leurs machines, il leur faut accepter de payer un taux horaire suffisant.

La crise ne va-t-elle pas rendre vos préoccupations caduques?

L'activité commerciale s'est ralentie dans la machine agricole, mais nous travaillons sur le long terme. Nous nous adressons aujourd'hui à un public de jeunes de douze à quatorze ans en phase d'orientation. Ils entreront dans la vie active dans quelques années et donc dans un contexte complètement différent.

Propos recueillis par Rémy Serai

 

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